Les canots sont arrivés en train à la station de Grand-Sault où on a engagé des
gens pour transporter le grand canot en bois, ou chaloupe, de M. Phillips jusqu'au
bassin situé en bas des chutes. Les robustes guides ont transporté les trois autres
canots, de toile ceux-là, sur leurs épaules jusqu'à la rive, à plus d'un demi-mille
(800 m) de la gare comme s'il s'agissait de simples valises.
Ces chutes, les plus grandioses à l'est du Mississippi, mis à part celles du Niagara,
valent le détour, qu'on soit du Nouveau-Brunswick ou d'ailleurs. Les touristes peuvent
les observer en tout confort puisqu'on trouve à Grand-Sault un hôtel fort luxueux,
le Curless, récemment agrandi, rénové et modernisé de fond en comble. Les chutes
proprement dites sont spectaculaires. Le meilleur endroit pour les observer est
le joli pont suspendu en aval des gorges, mais on peut les voir de plus près, du
haut des rochers contre lesquels les eaux déferlent avec une constante furie. La
chute principale est presque verticale et un peu plus large à son sommet qu'à sa
base.
À
Grand-Sault, le fleuve, qui, au fil des 218 mi (415 km) qu'il a parcourus depuis
sa source, s'est gonflé de ses nombreux affluents, a déjà une envergure considérable.
Dans ce précipice, il déverse un volume d'eau énorme qui vient frapper Split Rock
(le Rocher fendu) 75 pieds (22 m) plus bas, faisant s'envoler des nuages d'embruns
qui enveloppent les chutes et à travers lesquels, les jours de beau temps, le soleil
illumine les rochers de rayons multicolores. À droite, l'eau se déverse en un fin
rideau splendide! Toutefois, quand le niveau de l'eau est très bas, seule la chute
principale continue de couler. Du coté gauche, on peut s'approcher des chutes au
point d'être aspergé par les embruns et, de cet endroit, obtenir une des plus belles
vues sur la grande chute.
L'eau s'éloigne rapidement par une étroite gorge rocheuse sur près d'un mille, jusqu'aux
eaux calmes du bassin inférieur. La gorge, dont les parois verticales
atteignent de 80 à 150 pieds (25-50 m) de hauteur, paraît plus sauvage et spectaculaire
encore, d'une certaine façon, que celle du Niagara, et les eaux s'y déversent avec
une puissance extraordinaire. On imagine difficilement que quelqu'un oserait, comme
c'est arrivé à Niagara, se lancer, en baril ou dans toute autre embarcation, dans
un tel torrent entre des parois aussi escarpées. La gorge du Niagara présente de
petites anses où l'eau est plus calme et où des jeunes pleins d'audace s'aventurent
parfois, mais à Grand-Sault, l'eau se précipite si furieusement contre les parois
rocheuses, qu'elle ne laisse aucune marge de manoeuvre, même pour les plus enhardis.
À plusieurs endroits, il est possible de descendre le long des parois pour rejoindre
le bord de l'eau. L'effort en vaut le coup puisque, de là, on peut se faire une
meilleure idée de la force et de la violence du torrent que depuis le pont ou le
sommet de la gorge. On peut aussi y
observer des marmites et d'autres phénomènes naturels. Les puits, qu'on compte par
dizaines, sont des trous de toutes tailles, creusés à même les rochers par les cailloux
brassés par le courant à l'époque où l'érosion creusait encore la gorge. La plus
grande fait 16 pieds (5 m) de diamètre et 30 pieds (10 m) de profondeur. Pendant
la crue printanière, les eaux turbulentes et déchaînées les recouvrent. La rive
est abrupte, verticale même par endroits. Près des chutes, on peut voir le « Moulin
à café », une anse où viennent aboutir de nombreux billots qui ont passé les chutes.
Au début du mois, le Moulin à café était une immense pile de billots - un million
de pieds, aux dires d'un des guides.
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