GNB
Archives provinciales du Nouveau-Brunswick

Les ponts couverts: Éléments essentiels du patrimoine néo-brunswickois

< retour à la page précédente

Historique du pont de Hartland, le plus long au monde

C’est en 1898 qu’on a dressé les plans et les devis descriptifs pour la construction d’un pont qui franchirait le fleuve Saint-Jean, à Hartland, où un traversier était alors en opération. Sous la surveillance du commissaire des travaux publics, H.R. Emerson, et de l’ingénieur provincial, A.R. Wetmore, le pont a été construit par une entreprise privée mise sur pied par les citoyens, la Hartland Bridge Company, constituée en société par une loi de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick en 1989 aux fins de la construction du nouveau pont.

Le pont était composé de sept travées de poutres triangulées de type Howe, mesurant 170 pieds et reposant sur des culées et des piliers en caisson à claire-voie de cèdre remplies de pierres; on avait revêtu les piliers de madriers en bouleau en amont, et de longerons et de chevalets simples, du côté est. Ce pont original, d’une longueur de 1282 pieds, n’était pas couvert.

P460-17
Numéro de référence: P460-17
Le pont couvert de Hartland, le jour de son inauguration, le 1er juillet 1901.

On mit trois ans à construire le pont. Son ouverture à la circulation remonte au 14 mai 1901, mais son inauguration officielle eut lieu le 4 juillet 1901. Plus de 2000 personnes y ont assisté et c’est le juge McKeowan qui y présidait. L’honorable H.R. Emerson était l’orateur invité.

En vertu de la loi régissant le pont, quiconque y montait ou y conduisait un cheval ou un véhicule à une vitesse dépassant le pas de marche était passible d’une amende allant de 20 $ à 40 $ pour chaque infraction. Les résidents ont pris la loi au sérieux car on rapporte peu d’amendes imposées.

Jusqu’au 1er mai 1906, le pont de Hartland était un pont à péage. James Pearson aurait été le premier péager. Les frais étaient de 2 cents par piéton, 5 cents pour un simple attelage et 10 cents pour un attelage double. D’après les journaux de l’époque, les gens de la région n’étaient pas du tout en faveur des droits de péage. Après avoir exercé des pressions, le représentant du comté de Carleton à l’Assemblée législative a réussi à convaincre le gouvernement provincial de renoncer aux droits de péage. Le journal The Standard rapporte qu’un dénommé Sam Harmon, un aîné et admirateur de Fleming, s’est rendu sur le pont et a tiré quatre coups de revolver en l’air. « Le péage est aboli, aurait-il crié au voisinage en émoi, tout le crédit revient à J.K. Fleming. »

P3-43
Numéro de référence: P3-43
Vue panoramique de Hartland montrant le « pont couvert » avant qu’il ne soit couvert.

À peu près au même moment où on abolissait les droits de péage, le débat sur la couverture du pont était lancé. Le solliciteur général de l’époque, l’honorable W.P. Jones, avait décidé de faire enquête. Il doutait personnellement de la nécessité de couvrir le pont. Selon le journal Hartland Observer, M. Jones aurait écrit à un dénommé Samuel S. Miller le 15 avril 1906. « Souvent, écrivait-il, lorsqu’un pont situé près d’un village est couvert, il engendre des effets indésirables : des délinquants le fréquentent le soir pour effrayer les femmes et les enfants et s’adonnent régulièrement à d'autres nuisances. Toutefois, poursuivait-il, le fait de le couvrir bien sûr le préserverait pour de nombreuses années et, si ce n’était de ces désagréments, on devrait certainement le couvrir immédiatement. »

De toute évidence, selon le Hartland Observer, les résidents de Hartland avaient aussi leurs doutes. Dans sa réponse à M. Jones, Samuel S. Miller affirmait qu’après avoir reçu sa lettre il en avait parlé à plusieurs personnes, mais qu’il n’en avait trouvé aucune en faveur de couvrir le pont.

Dame Nature s’est mise de la partie. Durant le départ printanier des glaces en avril 1920, la crue emporte les deux travées les plus à l’ouest du pont. En guise de mesures temporaires, on organise un service de traversier dans un ancien site de traversier, à un mille au sud du village. Des bateaux à moteur et des bateaux à rames privés sont mis en service.

Une délégation de citoyens se rendit à Fredericton et réclama auprès du ministre des Travaux publics, P.J. Veniot, une aide financière pour réparer les dommages. M. Veniot, dit-on, préférait un pont en acier pour remplacer celui en bois. Or, on était en pleine Première Guerre mondiale et le prix de l’acier avait monté en flèche. Le ministre aurait demandé au groupe d’attendre un rétablissement des prix de l’acier, ce qu’on lui refusa. Ils en arrivèrent donc à un compromis : le pont serait reconstruit, mais cette fois, on le couvrirait pour le protéger des éléments.

Le pont a été complètement refait en 1920. Des piliers et des culées de béton ont remplacé les caissons à claire-voie; on a monté sur pieux les nouveaux piliers; on a replacé cinq des travées sur l’infrastructure de béton; et deux nouvelles travées de 147 pieds chacune ont remplacé les deux de 170 pieds emportées par le courant. C’est la New Brunswick Contracting and Building Company qui pilota les travaux de reconstruction. Rendu en 1922, le pont était complètement couvert et reçu dès lors son titre de plus long pont couvert au monde, dépassant de 200 pieds le deuxième plus long, situé en Norvège.

Pendant les premières années, il fallait embaucher un homme pour pelleter la neige sur le pont en hiver afin que les traîneaux tirés par des chevaux pussent passer. Il recevait un salaire allant de 100 $ à 150 $ par année. Avec l’avènement des véhicules à moteur, les fermiers remplacèrent leurs attelages de chevaux par des camions ou des tracteurs tirant des wagons.

En 1944, on ajouta au pont un trottoir couvert en bois du côté aval et on remplaça les ouvrages en chevalets du côté ouest par des travées à poutres renforcées de ciment posées sur des chevalets en ciment.

P173-41
Numéro de référence: P173-41

Pont de Hartland, fleuve St.Jean, comté de Carleton, 1970. Gros plan de la façade avant du pont.

Le ministère des Transport du Nouveau-Brunswick est responsable de l’entretien du pont couvert de Hartland. Aucun poids lourd ni autobus ne peut aujourd’hui le franchir.

Le 23 juin 1980, le pont couvert de Hartland a été déclaré lieu historique national et le 15 septembre 1999, lieu historique provincial.

Consultez l’historique du pont préparé par la ville de Hartland : http://www.town.hartland.nb.ca/html/bridge.html et Tourisme Nouveau-Brunswick : http://www.tourismenouveau-brunswick.ca



P173-40
Numéro de référence: P173-401

The Bridge by John Glass and Doris Kennedy (Little Ireland Press, 1990)


4.11.1