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30 avril 2024  
 

Solidarités provinciales

Célime A. Melanson

C. A. MELANSON : Célime Antoine Melanson (1885-1957), deuxième président de la New Brunswick Federation of Labour (Fédération du travail du Nouveau-Brunswick) 1919-1921.

Célime Melanson, deuxième président de la New Brunswick Federation of Labour (Fédération du travail du Nouveau-Brunswick), était machiniste de chemin de fer à Moncton. Il fut l'un des premiers Acadiens à gravir les échelons du mouvement ouvrier au Nouveau-Brunswick. En choisissant Célime A. Melanson comme président, les délégués reconnaissaient l'importance de Moncton et de ses travailleurs des chemins de fer dans le mouvement ouvrier. Bien qu'il y ait encore peu de francophones parmi eux, les délégués présents démontraient également qu'ils étaient prêts à accueillir un Acadien à la tête d'une organisation syndicale provinciale. En outre, en élisant Melanson, ils choisissaient un travailleur infatigable et compétent qui avait déjà rempli plusieurs mandats en tant que membre de la direction de la Fédération.

Joseph-Célime Antoine Melanson est né le 23 février 1885 dans le village de Sainte-Marie, alors appelé Mont-Carmel, dans le comté rural de Kent. Il était le fils de Salomée Cormier et d'Antoine Melanson, tous deux descendants de familles dont les racines remontaient aux débuts de l'Acadie, au 17e siècle. Au tournant du siècle, le jeune Melanson fut attiré par les perspectives d'emploi dans la ville de Moncton, située tout près. Le principal employeur de la ville était le chemin de fer Intercolonial, qui comptait plus de 2 500 travailleurs en 1920, dont environ le quart étaient acadiens. Melanson arriva à Moncton à l'âge de 17 ans en 1902 et commença à travailler comme manœuvre dans les ateliers de réparation et d'entretien du chemin de fer, où il fut bientôt promu à des tâches plus pointues en tant que spécialiste et machiniste. Il poursuivit également son éducation en suivant des cours dans le domaine des affaires et des cours par correspondance.

Les chemins de fer étaient un foyer d'activité syndicale, et dès 1904 il y avait une douzaine de sections locales de syndicat dans les chemins de fer à Moncton. Melanson devint membre du syndicat de son métier, la section locale 594 de l'International Association of Machinists (l'Association internationale des machinistes). En 1914, il était au nombre des délégués de la section locale à l'assemblée du Congrès des métiers et du travail du Canada, qui se tint cette année-là à Saint John. Melanson devint aussi délégué aux assemblées de la New Brunswick Federation of Labour (Fédération du travail du Nouveau-Brunswick). Il en fut élu vice-président en juillet 1915 et à nouveau en 1916 et en 1918. Après la démission de James Sugrue, Melanson était le candidat tout désigné pour la présidence, à laquelle il fut élu en mars 1919.


CÉLIME A. MELANSON, 1942 : Célime A. Melanson, avec son petit-fils Guy « Spique » Cormier et sa fille Fernande, devant sa résidence, au 55 rue York, à Moncton, en 1942.

La fin de la Grande Guerre suscita de grands espoirs pour les travailleurs et les travailleuses partout au pays, et le Nouveau-Brunswick n'y faisait pas exception. Lors du congrès de 1919, les délégués adoptèrent un programme de reconstruction qui réclamait un avenir meilleur pour les travailleurs du Nouveau-Brunswick : « La guerre mondiale a amené tous les gens à se rendre pleinement et profondément compte de la menace que le contrôle autocratique des activités et de la destinée de l'humanité pose pour la civilisation. » Le programme exigeait la mise en œuvre de nombreuses réformes afin de « promouvoir la démocratie dans l'industrie » , dont la plus importante était la pleine reconnaissance du droit à la syndicalisation, y compris pour les employés de la fonction publique. Le programme prévoyait également l'instauration de la journée de travail de huit heures, la parité salariale aux femmes et aux hommes pour un travail égal, et l'interdiction d'employer des enfants de moins de 16 ans. Le document se terminait en déclarant en des termes sans équivoque l'importance du mouvement syndical pour la province : « Aucun élément dans cette province n'est plus profondément concerné par l'avenir de la province que la classe ouvrière. » 

Melanson s'attendait à ce que le mouvement syndical remplisse son rôle en tant que l'une des principales institutions de la société néo-brunswickoise. Lorsqu'ils convoquèrent le congrès de 1920, Melanson et le secrétaire-trésorier, George R. Melvin, pressèrent tous les syndicats du Nouveau-Brunswick d'y envoyer des délégués : « [...] nous avons besoin de l'appui de chaque syndicat de cette province – que ce congrès soit le plus réussi de toute l'histoire de la Fédération » . Il s'ensuivit qu'il y avait presque le double de délégués cette année-là. L'année suivante, en 1921, le congrès fut l'assemblée provinciale du monde ouvrier la plus représentative jamais tenue à ce jour, avec 98 délégués inscrits de neuf centres, représentant 7 000 travailleurs. À titre de président, Melanson exhorta les membres des syndicats à poursuivre leurs objectifs en s'engageant dans l'action politique sur la scène municipale et provinciale et en collaborant avec d'autres groupes, y compris les agriculteurs et les enseignants, en vue d'obtenir des réformes sociales. Il contribua lui-même à étendre l'influence du monde ouvrier par son élection au Conseil municipal de Moncton en 1919. Il était l'un de plusieurs candidats issus du monde ouvrier qui furent élus au Conseil municipal et le premier Acadien élu au poste de conseiller général; il fut réélu en 1920 et en 1921.

Melanson quitta son poste de président à l'issue du congrès tenu à Saint John en 1921. On lui rendit hommage et on lui remit un présent lors d'un banquet offert à l'hôtel – syndiqué – Prince William. Plus tard la même année, Melanson devint greffier municipal adjoint à l'hôtel de ville de Moncton et fut ensuite promu au poste de percepteur d'impôt, qu'il occupa jusqu'à son départ à la retraite en 1952. Comme le souligna le journal L'Évangéline en 1921, la nomination de Melanson comme fonctionnaire de la municipalité était un succès important pour les Acadiens de Moncton : « C'est le premier français qui arrive à un emploi de ce genre et cela en dit beaucoup sur l'habilité et le tact de notre concitoyen. » Melanson finit par émerger comme l'un des plus éminents citoyens de Moncton; parmi ses nombreuses activités, il a été membre fondateur du Cercle catholique de la jeunesse acadienne et il a agi comme membre du conseil d'administration de L'Évangéline durant plus de 25 ans.

Un journaliste décrivit Melanson comme « l'un de ces bons ouvriers qui restent trop cachés » . À sa mort le 20 mai 1957, Melanson était une personnalité si importante que peu de gens se souvenaient que son chemin vers la notoriété avait commencé dans les ateliers ferroviaires et le mouvement ouvrier. Néanmoins, il continua de s'intéresser aux questions ouvrières jusqu'à la fin. En janvier 1940, il assista à la convention de la Fédération du travail en tant que délégué de la section locale 51 du Moncton's Civic Employees Federal Union (Fédération des employés municipaux de Moncton), le précurseur de la section locale 51 du Canadian Union of Public Employees (Syndicat canadien de la fonction publique). En 1944, il fut nommé à la Commission de la Fonction publique, l'organisme responsable de l'embauche des fonctionnaires provinciaux, poste qu'il occupait encore durant les dernières années de sa vie. Moins d'un an avant sa mort, Melanson assista à la 44e assemblée annuelle de la New Brunswick Federation of Labour (Fédération du travail du Nouveau-Brunswick) en août 1956, où il reçut un accueil enthousiaste en tant que seul ancien président encore vivant de l'organisme. À cette époque où la Fédération du travail s'apprêtait à fusionner avec le Conseil du travail du Nouveau-Brunswick afin de devenir plus inclusive, Melanson représentait un lien important avec les premiers jours de l'organisme.