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08 juin 2024  
 

Un territoire contesté : la transformation des forêts

Vie et travail dans la paroisse Stanley durant la Grande Guerre

LA CARTE : Le nord du comté de York, Nouveau-Brunswick.

Daniel MacMillan est né le 22 mars 1863, l'aîné de sept enfants de James et Margaret (née Robertson) MacMillan. Ses parents étaient des immigrants écossais originaires du Firth of Clyde qui furent parmi les premiers colons du petit village de Williamsburg (faisant partie de la paroisse de Stanley), qui fut fondé au début des années 1870. MacMillan vécut toute sa vie dans la paroisse de Stanley, sauf pendant de courtes périodes où il alla travailler dans les camps forestiers et les scieries du comté d'York et une fois où il se rendit en Saskatchewan pour la récolte de blé. Il ne se maria jamais, ce qui était inhabituel pour un homme de sa génération. Tout comme ses parents, il était presbytérien, impliqué dans le travail de son église, dont il était un ancien au moment du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Dans le domaine politique, MacMillan était un Conservateur et il assistait parfois à des assemblées partisanes en période électorale. Bien qu'il n'ait fréquenté l'école que durant quelques mois, Daniel MacMillan était une personne articulée d'une grande intelligence, et ses journaux attestent de ses talents d'écrivain. Il est décédé en juin 1960 à l'âge de 97 ans.

Au début de la Première Guerre mondiale, à l'été de 1914, MacMillan se trouvait à un tournant important de sa vie. Vers le début du siècle, il avait pris la relève de son père dans l'exploitation de la ferme. Après 1908, Daniel assuma de nouvelles responsabilités en prenant soin de son père, qui avait subi une attaque d'apoplexie, et de son frère Peter, qui était déficient intellectuel depuis sa naissance. Sa mère, Margaret, mourut en mars 1911; Peter décéda en juin 1914 et son père en juillet.


DANIEL MACMILLAN (1863-1960) : Daniel MacMillan, un fermier et ouvrier du comté de York, a décrit les contraintes de la vie ouvrière en milieu rural dans ses journaux intimes entre 1912 et 1928.

La plupart des Canadiens croyaient que la guerre serait de courte durée et qu'elle se terminerait par une victoire éclatante. Personne au Canada ni ailleurs n'aurait pu prévoir toute la dévastation et la souffrance humaine qu'elle allait provoquer. Daniel MacMillan participa pleinement à l'effort de guerre. Les fermiers du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs se sentirent le devoir solennel de produire autant que possible. MacMillan, par exemple, fit don de 17 barils de pommes de terre en décembre 1914 qui firent partie des 100 000 barils envoyés par les fermiers de la province pour venir en aide à la Belgique déchirée par la guerre. Tout au long de la guerre, il apporta aussi une contribution financière à diverses initiatives entreprises dans la paroisse de Stanley, la plupart organisées par des groupes de femmes.

Au début de 1917, la Grande Guerre durait depuis plus de deux ans et personne n'en voyait la fin. Peu à peu, l'enthousiasme et le sentiment de remplir une mission qui avaient animé la réaction initiale à la guerre firent place à la méfiance. Des centaines de milliers de soldats canadiens combattaient en Europe et des milliers d'entre eux y perdaient la vie. Il n'était pas certain que tous ces efforts et ces sacrifices se termineraient par la victoire. Daniel MacMillan ressentit toute l'anxiété qui régnait pendant la deuxième moitié du conflit. À la fin de 1917, Jim MacMillan, un neveu qui lui était proche, et son propre frère Charles étaient tous deux partis outre-mer pour combattre. En effet, Jim participa et survécut à la bataille de la crête de Vimy, où plus de 3 600 soldats canadiens furent tués.


FAMILLE MACMILLAN : Daniel MacMillan en compagnie de sa nièce, Edith, et ses enfants.

Par ailleurs, la ferme faisait face à des problèmes grandissants. La ferme de MacMillan était une modeste exploitation mixte qui produisait une grande variété de grains, de fruits et de légumes ainsi que des animaux et des produits forestiers destinés principalement à la consommation domestique mais aussi à la vente. À l'instar de la majorité des fermiers de la province, MacMillan dépendait du fragile équilibre résultant des conditions favorables du marché et du climat. Au cours de ces années, lorsqu'un ou plusieurs secteurs de l'exploitation éprouvaient des difficultés, MacMillan obtenait un revenu d'appoint en prenant du travail dans l'industrie forestière du comté d'York ou en coupant du bois sur sa propre terre à bois. En 1917, il connut des difficultés considérables en raison de l'inflation galopante et d'une grave pénurie de main-d'œuvre. Les entrées de son journal cette année-là révèlent sa préoccupation constante pour l'avenir de la ferme. Il essayait de rester optimiste, mais il dut reconnaître en décembre qu'il traversait « une période difficile » . (Pour consulter des entrées choisies de son journal à ce sujet, voir «Having a Difficult Time» .)

Quand enfin la guerre se termina en 1918, Daniel MacMillan en ressentit plus de soulagement que de joie. La guerre avait fait porter un lourd fardeau émotionnel et financier sur MacMillan et sur les gens de Stanley, et l'on entrevoyait déjà les effets à long terme du conflit. Plus d'une vingtaine de personnes parmi les 113 hommes et femmes de la paroisse de Stanley qui servirent dans les forces armées y perdirent la vie. Pour leur part, Jim et Charles subirent des blessures physiques et des dommages psychologiques dont ils conserveraient des séquelles durant toute leur vie. En octobre 1919, MacMillan vendit sa ferme à son frère Charles et son épouse Ella par l'entremise de la Commission d'établissement des soldats. Sa décision découlait en grande partie de l'expérience qu'il avait vécue pendant la guerre. En 1920, alors que Daniel MacMillan se préparait à commencer une nouvelle vie comme travailleur dans l'industrie forestière, l'économie de la région plongeait dans une grave récession qui allait durer jusqu'au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en 1939.