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05 May 2024  
 

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Escuminac, 1959

 “Au moins 34 morts” , 1959

MONCTON – Un contraste saisissant entre tragédie et joie s'est déroulé dans la paroisse de Baie Ste-Anne par suite du désastre qui a frappé les Maritimes en fin de semaine. Trois membres d'une famille ont tous échappé sains et saufs. Cinq membres d'une autre famille sont morts ou portés disparus. Pour M. Jacques Doucet et ses deux fils, Alphonse et Evé, ce fut un quasi miracle qu'ils aient revu la terre. Tous trois ont passé 25 minutes à l'eau avant d'être sauvés.

Cinq membres de la famille de Camille Chiasson, dont deux fils William et Albert, et trois petits-fils, Adrien, Robert et Alphonse, ont soit été trouvés noyés ou manquent à l'appel. Adrien et Robert sont deux fils de William et Alphonse, fils d'Albert.

En plus des deux fils qui sont portés disparus, il y a dix enfants dans la famille de William Chiasson, et au domicile d'Albert quatre.

De tous les faits héroïques à ressortir de ce désastre, le plus émouvant fut certes celui du jeune Alphonse Doucet, âgé de 17 ans, qui a réussi à sauver son père et son plus jeune frère Evé. Hier après-midi, un représentant de L'ÉVANGÉLINE a eu l'occasion d'interviewer M. Doucet et ses deux fils, réunis encore une fois avec leur famille.

Alphonse Doucet

Les faits suivants font partie du drame qui s'est déroulé pendant les 38 heures qu'ils ont passé en mer au cours de la tempête. Les évènements qui ont préposé le drame ont été racontés par M. Jacques Doucet.

 « Le vendredi après-midi, vers 4 heures, nous nous sommes rendus à nos seines, mais avons décidé que la mer était trop houleuse pour retirer nos filets. Après quelques heures la tempête se fit tellement forte que mon bateau se détacha des seines. Je ne soupçonnais pas encore que la mer se montait tellement jusqu'à ce qu'en voulant naviguer le bateau vers la rive, je m'aperçus que je ne faisais aucun progrès. Je me décidai de rester près de mes seines mais une grosse vague, je dirais bien de 50 pieds en hauteur a soulevé mon bateau, et l'a renversé » .

Emprisonné

On fait remarquer ici que M. Doucet était emprisonné dessous son bateau avec ses deux fils et William Manuel. Les trois derniers étaient dans la cabine. On a retrouvé le corps de Manuel dans le bateau, qui a été rejeté sur le rivage douze heures avant l'arrivée des Doucet.

Faisant suite à l'entrevue, M. Doucet a relaté que la vague suivante les a saisis et « par quelque sorte de miracle » le bateau s'est relevé. M. Doucet et ses deux fils ont réussi à s'échapper et ont saisi des boîtes de poisson pour se tenir à la surface de l'eau.

Un autre bateau, celui de Bernard et Cyril Jenkins, était situé à quelques cents verges du bateau renversé. Bernard et Cyril ont voulu repêcher les Doucet mais les vagues se faisaient trop fortes. Ils ont alors jeté des câbles en direction du bateau chaviré. Une vingtaine de minutes plus tard, Alphonse réussissait à en saisir un. « J'avais encore un peu de souffle de reste mais je voyais que mon père et mon frère fatiguaient. J'ai donné le câble à mon père puis ensuite à mon frère et les ai aidés à monter à bord du bateau » .

Nouveau malheur

À bord du bateau de Jenkins, un autre malheur les a frappés lorsqu'une énorme vague vint le remplir, arrêtant le moteur. Pratiquement mort de fatigue, Bernard Jenkins, Jacques Doucet, qui avait perdu l'usage de ses jambes à force d'être exposé au froid, et le jeune Evé ont cru que la fin était venue. Cyril et Alphonse ont repris courage et avec l'aide des trois autres ont réussi à vider le bateau.

Ils ont réparé le moteur samedi soir. Dimanche matin, ils entraient au port et M. Doucet rejoignait ses 10 autres enfants pour célébrer la fête des pères.

Autre famille éprouvée

Une autre famille qui a été sérieusement affectée est celle de Geoffrey Richard, de Baie Ste-Anne. Ce matin, on a découvert les cadavres de Geoffrey et son fils, Jean-Louis. Un autre fils qui faisait la pêche dans le même bateau, Lionel, n'a pas encore été trouvé.

Source: Éric Goguen, “Au moins 34 morts. Cinq membres d'une même famille morts ou disparus” , L'Évangéline (Moncton), 22 juin 1959, p. 1.