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29 avril 2024  
 

Solidarités provinciales

James L. Sugrue

JAMES L. SUGRUE : James Leonard Sugrue (1883 - 1930), premier président de la New Brunswick Federation of Labour (Fédération du travail du Nouveau-Brunswick), 1913-1918..

Au moment où la Fédération du travail du Nouveau-Brunswick fut mise sur pied en 1913, les délégués choisirent James L. Sugrue comme président. Bien qu'il n'ait alors que 30 ans, Sugrue était déjà réputé pour ses talents d'orateur, son sens des responsabilités et son efficacité à faire avancer la cause du mouvement ouvrier. Même si le mouvement syndical à Saint John comptait de nombreuses années d'histoire, Sugrue faisait partie d'un groupe de nouveaux chefs de file qui étaient déterminés à accroître l'influence des travailleurs au Nouveau-Brunswick en renforçant les liens de solidarité à l'échelle provinciale.

James Leonard Sugrue naquit à Saint John-Ouest le 1er septembre 1883 et y grandit dans la communauté ouvrière irlandaise. Sa mère, Mary Josephine Driscoll, était la fille d'immigrants irlandais originaires de Cork; son père, James R. Sugrue, était un immigrant de Kilkenny qui enseigna dans les écoles de la ville durant de nombreuses années. Sugrue et son frère aîné optèrent tous deux pour les métiers de la construction. « Jimmie » Sugrue, comme on l'appelait souvent, devint actif dans le syndicat des charpentiers. C'était un syndicat local établi de longue date qui s'était joint en 1901 à la Fédération américaine du travail, où il formait la section locale 919 du United Brotherhood of Carpenters and joiners (la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers). À cette époque, les charpentiers de Saint John revendiquaient vigoureusement des améliorations importantes des salaires et des conditions de travail, et ils furent les premiers aux Maritimes dans leur corps de métier à obtenir la journée de travail de huit heures en 1913. Sugrue devint secrétaire financier de la section locale en 1910, et ses compétences furent davantage reconnues lorsqu'il fut élu président du Saint John Trades and Labour Council (Conseil des métiers et du travail de Saint John) en 1912.

Les dirigeants ouvriers de la province discutèrent de plans visant la création d'une fédération du travail en 1912, et Sugrue raviva l'idée en 1913. Il fut déçu par la Fair Wages Act (Loi sur les justes salaires) introduite par le gouvernement provincial cette année-là, qui était inadéquate. Il soutenait qu'elle illustrait la nécessité que les travailleurs accroissent leur influence dans les affaires provinciales : « Quel superbe texte de loi. Les travailleurs ont vraiment de quoi être fiers des avocats, des médecins et des hommes d'affaires qui les représentent. [...] Arrêtons de jouer la comédie, mes frères, et venons-en aux affaires sérieuses. Il nous faut une fédération du travail dans cette province et l'heure de sa création est venue. » 


PREMIER RAPPORT ANNUEL : Sugrue a été le premier membre nommé à la Workmen's Compensation Board à sa création en 1918. À noter l'utilisation de l'étiquette de l'imprimeur du syndicat sur la page couverture du premier rapport annuel.

À cette époque, seuls les travailleurs de l'Alberta et de la Colombie-Britannique possédaient leur fédération provinciale, et le Nouveau-Brunswick fut la troisième province à emboîter le pas. Une assemblée constitutive eut lieu en septembre 1913 et le congrès de fondation se déroula dans la salle des charpentiers à Saint John en janvier 1914. Avant la fin de l'année, la nouvelle fédération rapportait dans ses rangs 26 syndicats affiliés représentant 3 000 membres. Plus tard cette année-là, la Fédération attira l'attention du pays lorsque le Congrès des métiers et du travail du Canada vint à Saint John pour son assemblée annuelle, tenant pour la première fois ses assises au Nouveau-Brunswick.

Sugrue croyait que les travailleurs devaient utiliser leur influence politique afin d'amener des changements sociaux. Au cours de son mandat, Sugrue rencontrait régulièrement les premiers ministres et les politiciens afin de faire pression en faveur de changements aux lois provinciales, que la Fédération avait endossés lors de ses assemblées. En plus de l'amélioration des salaires et des conditions de travail des travailleurs, ces changements comprenaient la gratuité des livres scolaires pour les enfants, une réglementation accrue en matière de santé et une augmentation des inspections médicales dans les écoles, la représentation des travailleurs dans les offices publics et l'octroi du droit de vote aux femmes au même titre que les hommes. Comme l'a déjà expliqué Sugrue, la cause des travailleurs était importante pour toute la collectivité : « À long terme, nous espérons améliorer les conditions ici à tel point que les gens ne partiront pas dans l'Ouest pour y trouver de meilleurs salaires et des journées de travail moins longues. » 

La réalisation la plus importante de Sugrue à titre de président fut la promulgation d'une loi moderne sur l'indemnisation des accidentés du travail. Les lois précédentes destinées à venir en aide aux travailleurs tués ou blessés au travail étaient très inadéquates – les indemnités étaient faibles et les lois exigeaient que les travailleurs ou leur famille se rendent en cour afin de prouver que l'accident était dû à une faute de l'employeur, ce qui plaçait les travailleurs dans une situation où il leur était difficile de refuser tout règlement à l'amiable que les employeurs choisissaient de leur offrir. En réponse à la campagne menée par la Fédération en faveur de l'amélioration de la législation, la province nomma Sugrue et Fred Daley, du syndicat des débardeurs, à une commission royale d'enquête. Après avoir fait enquête sur de récentes réformes adoptées en Ontario et en Nouvelle-Écosse et tenu des audiences au Nouveau-Brunswick, la commission se prononça en faveur d'une nouvelle loi qui reposerait sur les principes de l'assurance et qui serait administrée par une commission indépendante nommée par le gouvernement. Malgré l'opposition de certains employeurs, le gouvernement provincial accepta la proposition, adopta une loi et la promulgua en 1918. Sugrue fut nommé le représentant ouvrier au sein de la Commission des accidents du travail. Étant l'un des trois membres de la Commission, il se trouvait en position de force pour défendre les intérêts de la classe ouvrière et promouvoir l'amélioration du système.

Même après sa démission de la présidence à la fin de 1918, Sugrue continua de prendre régulièrement la parole lors des assemblées de la Fédération, où il gardait les délégués au courant des travaux de la Commission des accidents du travail. En 1923, son épouse, Estella Newman Sugrue, fut nommée, sur recommandation de la Fédération, à une commission royale provinciale d'enquête sur les allocations maternelles et le salaire minimum des femmes. Bien que le gouvernement ait adopté des lois à cet égard en 1930, il omit alors de les mettre en vigueur.

Sugrue mourut prématurément le 24 juin 1930 en raison de son état de santé qui s'était détérioré apparemment à la suite d'une crise cardiaque survenue deux ans plus tôt. Le Saint John Trades and Labour Council (Conseil des métiers et du travail de Saint-John) le décrivit comme « un ami et un frère des plus précieux, qui à de nombreuses occasions a démontré sa valeur pour notre mouvement » . C'était là un hommage tout à fait approprié pour celui qui fut le président-fondateur de la Fédération, un homme qui contribua à porter la solidarité ouvrière au Nouveau-Brunswick à un nouveau sommet et qui montra comment une fédération provinciale pouvait réaliser des réformes sociales dont a bénéficié toute la classe ouvrière de la province.