Remèdes et traitements

Contrairement à la variole ou à la typhoïde, pour lesquelles il existait un vaccin, aucun traitement préventif de ce type n’avait été mis au point, à cette époque, pour la grippe espagnole. Durant cette pandémie, les scientifiques n’avaient pas encore réalisé que la grippe espagnole était due à un virus (Lam et Lee, Flu Pandemic and You, 46; 62). Toutefois, le taux élevé de mortalité et le grand nombre de patients atteints de la grippe espagnole ont amené les professionnels médicaux à rechercher, en urgence, un traitement de la maladie, attendu désespérément par le public. Cette catégorie explore la demande de traitements et les solutions pseudoscientifiques commercialisées tout au long de la pandémie au Nouveau Brunswick.

Recommandations et requêtes médicales

Afin de prévenir la désinformation et l’alarmisme, les professionnels médicaux communiquaient fréquemment leurs conseils pour empêcher la propagation de la grippe espagnole, tout en répondant à l’anxiété du public. En fait, l’une des stratégies du ministère de la Santé pour atténuer les effets de la pandémie consistait à publier ses avis dans des journaux, dans toutes les régions de la province.


Note de service du Chemin de fer Canadien Pacifique, en date du 10 octobre 1918, rédigée par le chirurgien en chef et médecin hygiéniste, H.A. Beatty, à propos des mesures de précaution à prendre pour éviter une propagation de la maladie.

Source: MC2476/MS2/3: fonds de la famille Crouse.


Liste de règles pour limiter la propagation de la grippe espagnole et pour éviter de l’attraper. On notera, parmi les conseils les plus notables, le port d’un masque en gaze, l’isolation des patients et l’adoption d’une attitude prudente, sans tomber dans l’anxiété.

Source: RS136-L5d3.3: Archives du sous ministre de la Santé.


Divers conseils pour les soignants s’occupant de patients atteints de la grippe espagnole, pour éviter les risques d’infection; recommandations de recettes et de désinfectants.

Sources: RS136d3-2.2 / RS136-L5d3.5 and RS1365d3-2.1. / RS136-L5d3.4: Archives du sous ministre de la Santé

« Ben c’tait moins dur sur les hommes, c’tait sur les femmes en familles qui ’n’en mourait plus, c’était les femmes en famille qui en mourait plus, y se soignant en buvant de la boisson y connaissait pas ça les docteurs les remèdes qui pouvait donner »

Mme Hélène Nadeau

Instructions concernant les soins aux patients atteints de la grippe espagnole, avec des conseils sur la façon dont les soignants peuvent éviter de contracter l’infection. Comprend également une liste de désinfectants à garder à portée de la main.

Source: RS1365d3-2.1. / RS136-L5d3.4: Archives du sous ministre de la Santé.

Six recettes pour atténuer les symptômes de la grippe espagnole, suivies d’une méthode créative, approuvée par un médecin, pour alimenter subrepticement les patients difficiles.

Source: RS136d3-2.2. / RS136-L5d3.5: Archives du sous ministre de la Santé.


Correspondance, en date de février 1920, entre le médecin militaire George T. O’Donnell et le ministre de la Santé, William F. Roberts, concernant une possible vaccination contre la grippe espagnole.

Sources: RS136-L5d6-B5a & b: Archives du sous ministre de la Santé..

Requête, datée du 14 février, du Dr G.T. O’Donnell au Dr William F. Roberts concernant un possible vaccin contre la grippe espagnole. O’Donnell souhaite protéger la population locale de Debec contre l’épidémie faisant rage à proximité, à Houlton, dans le Maine.

Source: RS136-L5d6-B5b: Archives du sous ministre de la Santé.

Réponse, datée du 19 février 1920, du Dr William F. Roberts à la requête du Dr O’Donnell, informant ce dernier qu’il n’existe pas de vaccination médicalement approuvée contre la grippe espagnole.

Source: RS136-L5d6-B5a: Archives du sous ministre de la Santé.


Solutions non conventionnelles

La population du Nouveau Brunswick avait atteint un degré de désespoir élevé et était prête à essayer toutes sortes de prétendus traitements, y compris les plus dangereux, pour repousser l’infection.

« y nous donnais toute sorte de chose c’tait des compresse pis des mouches de moutardes anciennement y soignais avec de médicaments naturelles ben avec le docteur aussi mais y donnais pas de piqure comme aujourd’hui »

Mme Elodie Caron

Lors d’une discussion sur la façon dont sa mère était tombée malade, alors qu’elle était enceinte :

« C’est un prête qui la guérie. Dans la nuit le prêtre est venu pis y avait des femmes, ces sœurs, pis des tantes qui étaient. Ils la frictionnaient avec du sel. Le prêtre priait dans la maison. Sa avait tout l’air, que c’était le prêtre, y ont attribués sa que c’était le prêtre qui l’avait sauvée »

Mlle Alexina Rioux

À cette époque le recours à l’alcool comme remède divisait la profession médicale. De nombreuses lettres présentées dans cette section décrivent l’alcool, généralement le gin ou le whisky, comme étant prescrit en traitement de la grippe espagnole. Durant la totalité de la pandémie de grippe espagnole, le Nouveau Brunswick vivait sous le régime de la prohibition. La Loi sur les boissons alcoolisées de 1916, du Nouveau Brunswick, interdisait toute consommation d’alcool, sauf à des fins religieuses ou médicales (Grant, When Rum Was King, 59). L’alcool était fréquemment prescrit par les médecins pour diverses affections, en dehors de la grippe espagnole (Grant, When Rum Was King, 123).

« Y nous faisait boire de la boisson quand tu pouvais en avoir parce que ça prenait une prescription pour avoir de la boisson ça prenait une prescription du docteur »

M. Mme Albany Long

« Les remèdes dans ce temps-là était de la boisson, il charriait des bouteilles de vins, des bouteilles de boisson, pis ben y’avait pas d’autres remèdes. Ben, sa les réchauffait, je ne sais pas quoi sé que sa leur fessait »

Mme Émile Bonfant

Pour de plus amples renseignements à propos de la prohibition au Nouveau Brunswick, veuillez consulter l’ouvrage de B. J. Grant, When Rum Was King: The Story of The Prohibition Era in New Brunswick.


Article publié dans le numéro du 17 octobre 1918 du Daily Telegraph and The Sun de Saint John abordant les raisons pour lesquelles les lois sur la prohibition ne seraient pas abandonnées au Nouveau Brunswick, compte tenu de la popularité des traitements par l’alcool de la grippe espagnole.

Source: MC1687: fonds du Daily Telegraph, F13272.


Lettre de Thomas Brideau, de Rivière du Portage, en date du 13 avril 1982, à l’auteure Eileen Pettigrew, décrivant la façon dont son médecin lui avait prescrit de traiter ses trois épisodes de grippe espagnole avec du repos au lit et six cuillères de gin quotidiennes.

Source: MC3682/Box 5/File 1: fonds Eileen Pettigrew.


Lettre de Mildred A. Swim, en date du 24 février 1982, à l’auteure Eileen Pettigrew, réfléchissant sur ses expériences de la grippe espagnole alors qu’elle était une jeune femme de Doaktown qui étudiait à Fredericton. Swim mentionne la façon dont son cousin, un professionnel médical, prescrivait du whisky pour traiter les patients atteints de la grippe espagnole.

Source: MC3682/Box 5/File 1: fonds Eileen Pettigrew.


Lettre de Dorothy Branscombe, en date du 30 juin 1982, à l’auteure Eileen Pettigrew, décrivant un mélange de cidre et de vinaigre lui ayant été prescrit, alors qu’elle était trop malade de la grippe espagnole pour remarquer l’erreur. Le père de Branscrombe, le Dr O.E. Morehouse, était un médecin de comté, desservant une région de 18 miles en dehors de Fredericton, qui prescrivait à ses patients du whisky à acheter à la pharmacie.

Source: MC3682/Box 5/File 1: fonds Eileen Pettigrew.


Souvenirs de la grippe espagnole du capitaine Donald F. Taylor, alors qu’il étudiait à l’Université Mount Allison, à Sackville. Dans une lettre à l’auteure Eileen Pettigrew du 13 avril 1982, Taylor décrit la façon dont l’un de ses condisciples, voulant à tout prix éviter la grippe espagnole, a bu du peroxyde d’hydrogène pour détruire les germes.

Source: MC3682/Box 5/File 1: fonds Eileen Pettigrew.



En raison de la pression exercée sur les travailleurs par la maladie et des restrictions empêchant des groupes importants de clients d’accéder aux entreprises, la pandémie a été source de préoccupations financières. Cependant, certaines personnes, n’ayant pas ménagé leurs efforts, ont utilisé la pandémie à leur avantage. Les publicités présentées ici montrent des remèdes et des traitements supposément efficaces contre la grippe espagnole, mettant en évidence le désespoir d’une population en quête de n’importe quel moyen pour repousser la maladie, ainsi que la capacité de certaines entreprises à transformer les crises en profits.


Lettre de F. E. Decker, de Rusagornis Station, au Dr William F. Roberts, le 23 février 1920, contenant une proposition d’affaires pour commercialiser son prétendu remède contre la grippe espagnole.

Source: RS136-L5d6: Archives du sous ministre de la Santé.


Publicité pour les pastilles de paraforme pour « [se] protéger de la grippe espagnole », parue dans le numéro du 23 octobre 1918 du Daily Gleaner de Fredericton. Juste en dessous, on trouve une publicité pour des services funéraires.

Source: MC1474: fonds du The Daily Gleaner: [1889-2008], F02946.


Publicité pour The Royal Store, de J.P. Farrell, affirmant que la thérapie par le magasinage constitue un remède contre le stress dû à la grippe espagnole, parue dans le numéro du 30 octobre 1918 du Daily Gleaner de Fredericton.

Source: MC1474: fonds du The Daily Gleaner: [1889-2008], F02946.


Publicité pour l’eau purgative « Riga » censée protéger contre la grippe espagnole, parue dans le numéro du 18 octobre 1918 du Daily Telegraph de Saint John.

Source: MC1687: fonds du Daily Telegraph, F13272.