Collectivités autochtones

La province du Nouveau Brunswick est située sur le territoire traditionnel des peuples wolastoqiyik, mi’kmaq et peskotomuhkati. Les Autochtones qui vivaient dans la province avaient plus de risque de mourir de la grippe espagnole que les Blancs. Des conditions de vie difficiles, notamment des habitations surpeuplées et une ventilation insuffisante, une alimentation de mauvaise qualité et des politiques coloniales oppressives ont accru les risques que les Autochtones contractent la grippe espagnole (Lux, Medicine that Walks, 4; 185). Au Canada, le taux de mortalité dû à la grippe espagnole a été de 6,1 décès pour 1 000 cas, soit approximativement 50 000 décès pour une population d’environ 8 millions de personnes (Jenkins, « Baptism of Fire » 319). En comparaison, l’historienne Maureen Lux cite « une estimation brute de la mortalité parmi les Autochtones du Canada, due à l’épidémie de 1918, de 4 000 décès, soit 37,7 ‰ » (Lux, Medicine that Walks, 185).

Des organismes fédéraux, comme le ministère de l’Immigration et de la Colonisation et le ministère des Affaires indiennes, assumaient la responsabilité des enjeux sanitaires pour la population autochtone. Plutôt que de s’intéresser aux déterminants sociaux de la santé, le gouvernement fédéral était convaincu que les Autochtones avaient plus de risques de tomber malades en raison de leur race et de leur supposée infériorité biologique. Le manque de soins de santé dont ils bénéficiaient était la traduction d’un racisme scientifique dominant dans les politiques canadiennes de l’époque (Lux, Medicine that Walks, 6 7). C’est en s’appuyant sur cet ensemble de croyances que le gouvernement justifiait la mise en œuvre des pensionnats et des externats indiens dans tout le pays. L’une des sources présentées dans cette collection fait référence à « l’école indienne » de Devon, un externat à St. Mary’s dirigé par l’Église catholique entre 1883 et 1985 (Gowling WLG [Canada]). Le surintendant adjoint du ministère des Affaires indiennes, Duncan Campbell Scott, également présent dans cette collection, était l’une des figures de proue du soutien aux pensionnats indiens et de l’assimilation forcée des Autochtones. Il est certainement devenu célèbre pour avoir dit un jour : « Je veux me débarrasser du problème indien. Je ne crois pas objectivement que le pays doive protéger, en permanence, une catégorie de personnes capables de se débrouiller seules […] Notre objectif est de poursuivre ce que nous faisons actuellement, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Indien au Canada qui n’ait été intégré dans le corps social et politique, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de question indienne et plus de ministère des Affaires indiennes » (Duncan Campbell Scott, Bibliothèque et Archives Canada, groupe d’archives 10, vol. 6810, dossier 470 2 3, vol. 7, 55 [L 3] et 63 [N 3]).

La réaction du reste de la population vis à vis de ce que vivaient les Autochtones par rapport à la grippe espagnole était largement caractérisée par une indifférence totale. Appelant à une compensation financière du gouvernement fédéral après avoir soigné des patients autochtones, le Dr William F. Roberts écrit : « […] La population locale ne s’intéresse absolument pas à ces gens là et les Indiens sont pratiquement laissés seuls » (SD136 L5b : archives du sous ministre de la Santé). Outre l’indifférence du public, les collectivités autochtones manquaient souvent des fournitures adéquates pour atténuer les effets de la crise sanitaire. La lettre de Roberts et un article de journal présenté ici mettent en évidence à quel point les collectivités touchées manquaient désespérément de provisions et de personnel professionnel. Les sources évoquent une baraque à Hampstead et un externat à Devon transformés en hôpitaux de fortune.

« Mais tandis que dans le temps il n’avait pas de médicaments il fessait juste des tisanes. C’tait des remèdes avec des racines pis des fois c’tait bon. Mais des fois c’tait pas pour la bonne maladie. C’était toutes des recettes de remèdes qui descendait des sauvages indiens »

M. Jos E. Pelletier

Les correspondances échangées entre des responsables gouvernementaux et les articles de journaux suivants permettent d’avoir un aperçu de la façon dont la pandémie a touché les collectivités autochtones. Les pièces présentées évoquent Hampstead, Devon, Oromocto et Kingsclear. Malheureusement, cette catégorie manque de points de vue autochtones, toutes les sources émanant de colons blancs. Ces sources utilisent le langage habituel à l’époque, par exemple le terme « Indien ». Aujourd’hui, on reconnaît que ce vocabulaire est blessant et traduisait des idées erronées sur les Autochtones, omniprésentes dans le pays pendant tout le 20e siècle.

Lectures supplémentaires : peu d’ouvrages ont été écrits sur l’expérience autochtone pendant la pandémie de grippe espagnole au Nouveau Brunswick. Toutefois, pour en apprendre plus, sur un plan plus général, sur l’histoire des Autochtones en relation avec les soins de santé au Canada, veuillez consulter les sources suivantes : Mary Jane Logan McCallum, « Starvation, Experimentation, Segregation, et Trauma : Words for Reading Indigenous Health History », The Canadian Historical Review 98 (2017) : 96 113; Maureen Lux, Medicine that Walks: Disease, Medicine, and Canadian Plains Native People, 1880 1940 (Toronto : University of Toronto Press, 2001); Mary Ellen Kelm, Colonizing Bodies: Aboriginal Health and Healing in British Columbia, 1900-50 (Vancouver : University of British Columbia Press, 1999); et James Daschuk, Clearing the Plains: Disease, Politics of Starvation, and the Loss of Aboriginal Life (Regina, Saskatchewan : University of Regina Press, 2013).


Article, dans le numéro du 26 octobre 1918 du Daily Gleaner de Fredericton, concernant les cas de grippe espagnole chez les Autochtones vivant dans les réserves dans toute la province.

Source: MC1474: fonds du The Daily Gleaner: [1889-2008], F2946.


Rapport, dans le numéro du 6 novembre 1918 du St. John Standard, concernant les patients autochtones atteints de la grippe espagnole accueillis dans un hôpital de fortune à Hampstead.

Source: MC1438: fonds St. John Standard, F3797.


Lettre du ministre de la Santé, William F. Roberts, en date du 9 novembre 1918, adressée à J.A. Calder, ministre fédéral de l’Immigration et de la Colonisation, demandant qui prendra en charge les dépenses liées au traitement des patients autochtones atteints de la grippe espagnole. On notera, plus particulièrement, que Roberts écrit : « La population locale ne s’intéresse absolument pas à ces gens là et les Indiens sont pratiquement laissés seuls. »

Source: RS136-L5b: Archives du sous ministre de la Santé.


Lettre de Duncan Scott, surintendant général adjoint, en date du 14 novembre 1918, assurant au Dr William F. Roberts que le ministère des Affaires indiennes prendra en charge les coûts liés à la nourriture et aux médicaments utilisés pour traiter les patients autochtones, sous réserve que Roberts envoie des détails supplémentaires.

Source: RS136-L5b: Archives du sous ministre de la Santé.