Réaction du public

Les réactions de la population du Nouveau Brunswick vis à vis des exigences en matière de santé publique ont grandement varié. L’interdiction de tous les rassemblements publics, dans toute la province, y compris dans les églises et les écoles, en vigueur du 11 octobre au 18 novembre 1918, a constitué l’une des décisions les plus controversées du gouvernement. Nombreux ont été ceux à faire rapidement part de leurs griefs et de leur frustration, estimant que le gouvernement se montrait trop intrusif, tandis que d’autres pensaient, au contraire, que les mesures mises en œuvre n’étaient pas assez strictes. Une publicité pour des pyjamas pour homme a toutefois constitué une exception emblématique, suggérant que certaines entreprises avaient adapté leur stratégie marketing au contexte pandémique.Les sources suivantes présentent des réactions, allant de l’enthousiasme à l’indignation, permettant de témoigner de l’expression même de celles et ceux ayant subi les effets des restrictions.

« La grosse Délaide a avait assez peur de ça dans le magasin elle s’tenais du camphre pis pis a mangeaient la popormen […] y disait qu’avec du camphre ben ça tuait les germes pis est morte de ça pareil »

Mme Hector Boutôt

Proclamation imposant la fermeture des écoles, des églises et des théâtres, dans toute la province, pour une durée indéterminée, à compter du 11 octobre 1918.

Source: RS136-L5d3: Archives du sous ministre de la Santé.

En réponse à la question de savoir pourquoi les gens étaient enterrés vivants :

« C’est parce qu’il était dans le coma pis y l’ont penser mort pis y ont fermé la tombe. C’est le curé, le curé avait assez peur de ça »

M. Mme Émile Michaud


« J’avais à peu près comme douze, onze, douze ans pis j’ai un de mes cousins moé qui passe pour avoir enterrer en vie, y était dans un coma pis le curé qu’on avait […] quand la grippe espagnol a commencé la y a barrer son église pas de messe pas rien en toute pis papa y était dans le bois y était cook pour une dizaine d’homme pis ces homes on toutes eu la grippe pis on y a pas pu sortir du bois, le docteur avait montrer pis y a comme y faut pis après ça ben papa savait lire toujours a réchapper ses gars »

M. Mme Émile Michaud (75 ans)

En pièce jointe à la proclamation, on trouve une liste de journaux du Nouveau Brunswick avec lesquels le gouvernement a probablement communiqué pour informer leurs lecteurs des fermetures.

Source: RS136-L5d3 (2): Archives du sous ministre de la Santé.


Lettre de Percy H. Green, de Wood Island, au Grand Manan, en date du 24 octobre 1918, demandant au Dr George Melvin d’autoriser la réouverture des écoles et des églises pour une petite population d’environ une centaine de personnes.

Source: RS136-L5d3: Archives du sous ministre de la Santé.

« J l’ai eu la grippe espagnole moi j’tait pour me marier le mercredi, j’me suis marié le 10 Octobre, non, Septembre pis on a été obliger de retarder d’un moi »

Mme Elodie Caron

Lettre du ministre de la Santé, William F. Roberts, en date du 25 octobre 1918, adressée au révérend A.J. Vincent de la Main Baptist Church, à Sackville, l’avertissant contre de futures violations des restrictions en matière de santé publique concernant les rassemblements d’un grand nombre de personnes.

Source: RS136-L5d3: Archives du sous ministre de la Santé.

« On ne pouvaient pas recevoir de monde dans ce temps-là. Quand ont n’ait besoin de quoi, il venait nous mettre sa cure le perron en avant là, pis on allait chercher sa »

Mme Doria Dupuis Source : MC317/ MS1/56 (5)

Publicité pour J. H. Fleming’s Haberdashery relativement à des pyjamas pour homme, parue dans le numéro du 30 octobre 1918 du Daily Gleaner de Fredericton. À la lumière de la fermeture des théâtres et des salles de jeu de quilles, cette promotion met en vedette le sommeil comme la nouvelle « aventure » en soirée privilégiée de la population du Nouveau Brunswick.

Source: MC1474: fonds The Daily Gleaner: [1889-2008], FF02946.


Correspondance entre des propriétaires de théâtres, à Saint John, et le ministre de la Santé, William F. Roberts, à propos de la réouverture des théâtres début novembre 1918. Face à l’extrême impatience des propriétaires d’entreprises particulièrement soucieux d’éviter de continuer de perdre du chiffre d’affaires, Roberts maintient que le gouvernement provincial doit se montrer extrêmement prudent.

Sources: RS136-L5d3-14661-B3 a & b & c & d & e: Archives du sous ministre de la Santé.


Lettre de F.G. Spencer et de ses collègues, en date du 2 novembre 1918, adressée au Dr William F. Roberts, sollicitant une conférence pour discuter de la réouverture des théâtres de Saint John.

Source: RS136-L5d3-B3e: Archives du sous ministre de la Santé.

Réponse du Dr William F. Roberts à F.G. Spencer et à ses collègues, en date du 3 novembre 1918, concernant la réouverture des théâtres à Saint John. Tout en soulignant qu’il comprend la frustration des propriétaires et en les remerciant de leur coopération, Roberts précise qu’il ne peut avoir aucune certitude quant à la date à laquelle les conditions seront suffisamment sécuritaires pour revenir sur les restrictions.

Source: RS136-L5d3-B3d: Archives du sous ministre de la Santé.

Télégramme adressé au Dr William F. Roberts, par différents hommes d’affaires du secteur du cinéma, appelant à la réouverture des salles à Saint John au cours de la semaine du 6 novembre 1918. Dans cet appel, ils mentionnent les pertes économiques et assurent que leurs locaux prendront toutes les précautions voulues lors de la réouverture.

Source: RS136-L5d3-B3a; b; c: Archives du sous ministre de la Santé.



Rapport sur une éclosion de grippe espagnole à Dalhousie, au Nouveau Brunswick, accusant le gouvernement provincial de négligence, dans le numéro du 2 décembre 1918 du Standard de Saint John.

Source: MC1438: fonds St. John Standard, F03797.


Lettre au rédacteur en chef, dans le numéro du 24 décembre 1918 du Daily Gleaner de Fredericton mentionnant l’incohérence du gouvernement en matière de fermetures au public et demandant que tout le monde porte le masque lors de rassemblements publics.

Source: MC1474: fonds The Daily Gleaner: [1889-2008], FF02946.


Lettre au médecin hygiéniste en chef, le Dr George G. Melvin, en date du 5 février 1920, demandant que la seule église de Minto reste ouverte si la grippe espagnole devait à nouveau faire rage au Nouveau Brunswick. Son auteur, Edward J. Conway, impute la responsabilité de la précédente vague pandémique à d’autres lieux de rassemblement publics fréquentés par « quelques étrangers malpropres ». Huit ans plus tard, le 7 mars 1928, le révérend Conway décédera d’une bronchopneumonie contractée à la suite de la grippe espagnole (SD141C5 : Index des certificats de décès).

Source: RS136-L5d3 (13): Archives du sous ministre de la Santé.